Naufrage :
Abordé par le chalutier concarnois France Libre, le malamok, et quatre de ses hommes sont perdus le 08/02/1953.
Aujourd'hui (2018), il ne reste plus qu'un seul survivant de cet accident, Jean Pensec. Grâce à Jean-Claude Bourdon, nous disposons de son témoignage sur ce tragique abordage.
Témoignage de Jean Pensec, rescapé du naufrage du palangrier "Ville d'Ys", éperonné par le chalutier concarnois "La France Libre", le 8 février 1953.
La "Ville d'Ys" est un bateau en bois de 16 m construit par le Chantier Nicolas, au Port-Rhu ("chantier bolchevique").
Il compte 16 hommes d'équipage dont deux permissionnaires à chaque voyage.
Le bateau est commandé par François Malcos, un des meilleurs patrons-pêcheurs de Douarnenez.
Ce 8 février, nous sommes à environ 175 milles au large de l'île de Sein, aux abords des grands fonds. Le vent est orienté nord, il fait très froid. Nous sommes en pêche depuis deux jours et le résultat est excellent. Vers 17 heures le bateau est à l'arrêt en travers du vent, moteur débrayé. L'équipage au complet est sur le pont pour boëter les palangres.
Depuis un moment nous remarquons un chalutier qui se dirige vers nous et pensons qu'il vient demander des renseignements sur notre position. Le patron descend dans le poste arrière pour vérifier ses cartes. Lorsqu'il remonte sur le pont, le chalutier est proche, et l'équipage s'étonne qu'il ne ralentisse pas. François Malcos saute à la barre et embraye le moteur à fond pour se dégager de la route du chalutier. Je réalise que le choc est inévitable et estime que nous serons abordés par le milieu. Je m'agrippe aux haubans. Par chance, au moment du contact, le "France Libre" a l'étrave en plongée, le choc produit un immense trou sous notre ligne de flottaison. En reculant il laisse une grande ouverture sous notre coque, par laquelle l'eau s'engouffre rapidement. Le bateau coule. L'abordeur a l'étrave défoncée au dessus de la ligne de flottaison. Nous avons à peine le temps d'ôter nos bottes et cirés, et de nous jeter à l'eau sans avoir pu descendre dans la cale prendre les brassières.
Nous sommes tous sur l'eau. J'ai toujours mon passe-montagne. Un membre d'équipage m'appelle, il est accroché à une bouée. Je nage jusqu'à lui et à coté de nous je vois le patron qui flotte, le visage violacé, ne faisant plus un geste. Je comprends qu'il est mort dans le choc. Notre bateau sombre rapidement par l'arrière en craquant.
La "France Libre" se tient à distance, son équipage est sur le pont, sans réaction. Je dis à mon camarade de bouée "Ils ne vont pas venir nous chercher ", certain que nous allions tous mourir.
Curieusement je ne ressens pas la peur mais je vois intensément ma vie et les visages des gens qui me sont chers. Finalement nous avons été recueillis par le bateau abordeur. Malheureusement le patron était mort et trois hommes avaient disparu."
Registre d'armement transmis par Audierne Bateaux :