ALMAJO - DZ3951

Immatriculation
DZ3951
Type de bateau
Date d'inscription DZ
1957
Date fin DZ
1961
Durée
Ce bateau a été inscrit à Douarnenez pendant 4 années.
Type de propulsion
Moteur
300 CV
Longueur
22.10 mètres
Tonnage
109.40 tonneaux
Lieu de Construction
Patron(s)
DOARE Théodore
Notes

Naufrage :
Perdu corps et biens le 02/02/1961, 10 hommes.

 


Angèle KNEALE – Marins-pêcheurs en mer d’Irlande – Éditions Ouest-France, 13, rue du Breuil, Rennes – 1996.
Transmis par Jacques Join.

« J’ai rencontré plusieurs autres marins-pêcheurs qui sont parvenus à s’évader avec leurs petits bateaux, mais aussi des patriotes qui sont restés en France et ont fait de la résistance. L’un d’eux, un patron que je n’oublierai jamais, s’appelait Théo Doaré, de Douarnenez. Son petit chalutier, l’Almajo, se trouvait à quai à Douglas, à la Saint-Sylvestre, le 31 décembre 1959. Une tante a fait la baby-sitter et nous sommes allés les surprendre, accompagnés d’un ami pêcheur du pays, Brian Johnstone.
- Ohé de l’Almajo ! Ohé ! Vous avez de la visite...
Ils nous ont finalement entendus et nous avons été chaleureusement invités à rejoindre l’équipage dans la chambre qui n’était pas bien grande. Les gars se moquaient gentiment de Brian qui, à cause de son embonpoint, n’arrivait pas à se faufiler entre la table et la banquette et dut s’installer tant bien que mal à une extrémité. Je n’ai pas traduit leurs taquineries, mais le fou rire général mit une ambiance qui persista toute la soirée.
A l’insistance de ses copains, un matelot qui venait de terminer son service militaire en Algérie exécuta un numéro. Il disparut quelques instants et réapparut soudain en Arabe, tout de blanc habillé. Il nous fit rire aux larmes avec son imitation d’un chanteur arabe, dans un mode musical oriental, esquissant une danse du ventre pour bonne mesure.
Quelques membres de l’équipage nous donnèrent des chants bretons et un autre joua une valse musette à l’harmonica, que certains dansèrent sur le mètre carré d’espace libre. Puis, le patron fut prié de bien vouloir chanter. Nous avons écouté respectueusement La Paimpolaise, et chanté le refrain en chœur. Ensuite, ce fut mon tour, et j’ai choisi Ma Normandie. Dès lors, le patron Théo et moi avons fait le tour de France en musique, fouillant notre mémoire pour trouver des chants régionaux à tour de rôle: La Bourguignonne, Les Allobroges, En passant par la Lorraine, Les Montagnards, Au pays du Berry, La Cévenole, Se Canto, O Magali, Les Alpes, Sous les ponts de Paris, La Corse, La Bretagne, et nous avons parsemé quelques belles chansons suisses.
A minuit juste, nous avons trinqué au nouvel an dans un assortiment de tasses et gobelets, car il n’y avait pas suffisamment de verres à bord. Exactement une heure après, une explosion nous fit sursauter : c’était une fusée d’appel du canot de sauvetage, mais l’alarme passa dès qu’on entendit les sirènes et cloches d’autres bateaux dans le port. C’était le nouvel an des Anglais (à la traîne comme d’habitude) et nous avons retrinqué !
Un an plus tard, l’Almajo et son équipage furent perdus en mer. Lors d’une visite ultérieure en Bretagne, Philippe et moi sommes allés voir madame Doaré, qui mit son septième enfant au monde peu après la perte de son mari. A Douarnenez, nous avons appris que Théo avait été un dirigeant et un héros de la Résistance et qu’une rue avait reçu son nom. Cet homme avait une aura spéciale. En novembre 1974, j’ai rencontré un de ses fils à bord du Kéréon, un chalutier de Douarnenez, pendant une escale de deux jours à Douglas avec un chalut dans l’hélice. Ce fut un moment émouvant pour moi. »