Chantier Le Gall. Commandes 1930-1976 :
Extrait des annales du sauvetage maritime de la station SNSM de l'Île-de-Sein (communiqué par Gérard Richard) :
Maquereautier sauvé - 25 février 1958
Le maquereautier de 30 tx, "Arc-de-l'Étoile", de Douarnenez, revenait des lieux de pêche par grosse mer et vent de noroît de 40 noeuds lorsque, le 24 février 1958, ses filets s'engagèrent dans son hélice. Le maquereautier "Rayon-Vert", qui était proche de lui, le prit en remorque.
Mais comme le convoi arrivait au N.-E. de Tévennec, le bout de chaîne qui servait de remorque se rompit, et, le "Rayon-Vert" ne pouvant haler à son bord les maillons, l'"Arc-de-l'Étoile" partit en dérive vers les dangers de la côte sud de la baie de Douarnenez.
A 10H30, l'alerte est donnée, le syndic des gens de mer ayant été averti, par M. l'Administrateur à Douarnenez, de la situation du maquereautier.
Les moteurs sont lancés à l'air comprimé. Le "Vice-Amiral Touchard" fait route en tenant le contact radio, tant avec Radio-Conquet qu'avec le "Rayon-Vert". Il rejoint bientôt l'"Arc-de-l'Étoile" qui est à 5 milles du Nord du Van et lui passe la remorque sans avoir à utiliser le schermuly (lance-amarre). Il est 11H45.
A 14H15, l'aussière de remorque casse par usure au point de frottement. Elle est frappée sur le bout de chaîne qui pend à l'avant de l'"Arc-de-l'Étoile", et, vers 14H45, la route est reprise.
Enfin, à 18H30, le convoi arrive au port alors que le vent forcit.
A 20H30, le canot prend la route du retour après que le syndicat autonome des patrons de la pêche au large eût offert un repas à l'équipage.
On rentre, il est 23H45, dégât : aussière de remorque.
Signé : Abbé (Alexandre) Nouy, président de la station SNSM (recteur de l'Île-de-Sein, de 1957 à 1959).
Extrait du livre « Sein, l’Île-des-Trépassés », de Louis Le Cunff et Stanislas Richard – Éditions André Bonne, 15, rue Las-Cases, Paris, 1958 (communiqué par Jacques Join) :
...Les nouvelles diffusées par le Centre radio-maritime du Conquet étaient alarmantes. Un maquereautier de Douarnenez, l’Arc-de-l’Étoile, dérivait dans le Raz, avec sept hommes à bord. Le bateau arrivait d’Irlande, ses cales pleines de poisson. Mais avant de gagner le port, l’équipage avait voulu mouiller encore une fois ses filets, pour faire un peu de boëtte. Les filets s’étaient pris dans l’hélice et le petit bâtiment, désemparé, était devenu le jouet des flots. Un autre douarneniste, le Rayon-Vert avait voulu l’attraper et lui passer une remorque. Le filin s’était rompu et les courants de six nœuds poussaient l’Arc-de-l’Étoile vers les rochers de Tévennec, ceux-là même sur lesquels s’éventra le vaisseau Le-Séduisant, avec 1.200 hommes à son bord.
Il fallait maintenant faire vite ; le Vice-Amiral-Touchard, moteurs lancés bondissait vers la passe, suivi par une escadrille de cormorans. Des lames énormes montaient déjà le long de son étrave, éclataient en écume et en embruns, formant autour du bâtiment une sorte de nébuleuse grisâtre. Longtemps, nous le vîmes peiner, parmi les remous que forment devant l’île, mille récifs qui ont nom Plasialven, Ezaudi, Bigoudou ou Plum-Bara. Et puis le canot vira franchement vers l’est et ne fût plus bientôt qu’un point minuscule dans l’immensité de l’Océan en délire.
Près de moi, François Caradec, un jeune matelot de la Notre-Dame-du-Sacré-Coeur, dit à mi-voix : - Ils vont trouver de la « poussière » dans le Raz.
Les femmes essuyaient des larmes. Les hommes reniflaient. Et pourquoi ne pas dire que j’étais bouleversé comme rarement je l’ai été. Cette course à la mort, et contre la mort, avait en effet quelque chose de grandiose et de terrifiant.
Mais les hommes du Vice-Amiral-Touchard ne sont pas des novices : leur pensée tout entière était vers ceux de l’Arc-de-l’Étoile qui attendaient maintenant l’arrêt du destin.
La Providence était ce jour-là avec les Douarnenistes. Le Vice-Amiral-Touchard arriva à temps pour leur passer une remorque. Ce ne fut pas une mince tâche. Trempés, transis, découragés, les matelots de l’Arc-de-l’Étoile n’avaient même plus la force de tourner le câble. A petite vitesse, le convoi mit le cap sur Douarnenez. La mer se creusait de plus en plus sous les deux bâtiments. Et ce qui devait arriver arriva : la remorque cassa. Il fallut en passer une autre, qui celle-là résista.
Après sept heures d’une marche hallucinante, le canot sénan et le maquereautier atteignirent la baie de Douarnenez. Pour les rescapés, l’épreuve était terminée ; mais pour les Îliens, il restait encore à regagner Sein. Ce ne fut pas une promenade. Ils arrivèrent à la nuit, harassés, souriants, heureux. Ils avaient arraché à la mort sept vies humaines. Et cela seul comptait pour eux. Au total, un simple nom à rajouter sur les grands tableaux noirs qui, dans l’abri du Canot, relatent le palmarès des sauveteurs sénans depuis la création en 1867.